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Longue réflexion et décision Soulagement
Résultats en baisse, confie l’affaire à Keyence

C’est entre la fin de 2007 et l’année suivante qu’avait été évoquée la possibilité d’une alliance commerciale avec Keyence. Tout avait commencé sur l’idée de vendre la technologie de xfy présenté dans le dernier numéro, à leurs clients dans l’industrie manufacturière.

 

Avec des résultats toujours en baisse, Justsystems s’était à ce stade, retrouvé dans une situation encore plus difficile. Au fur et à mesure que les choses avançaient vers une collaboration au niveau des opérations, je leur ai parlé d’investissement. Au début, il s’agissait de la possibilité d’investir une petite somme dans notre entreprise.

Ichitaro, notre logiciel de traitement de texte, était le fleuron de JustSystems. Bien que nous ayons été approchés par des fonds d’investissement étrangers, Hatsuko et moi pensions que pour qu’il remplisse sa mission en tant que logiciel de langue japonaise utilisé par les Japonais, nous devrions finalement nous associer à une société japonaise.

Et ce serait impeccable si cette société pouvait être Keyence, comptant de nombreux fabricants parmi ses clients, et de bonne réputation du point de vue financier. C’est ce que nous nous étions dits, mais de là, les choses avaient pris une tournure inattendue.

Lorsque Lehman Brothers fit faillite l’automne de 2008, les marchés financiers non seulement au Japon mais aussi dans le monde, se sont ébranlés, dont les effets nous ont atteints lentement, nous qui continuions à être dans le rouge. Le cabinet d’audit s’était mis à mettre la continuité de notre entreprise en doute.

Au cours de nos négociations au sujet de l’investissement, Keyence apprit dans quelle situation se trouvait Justsystems au niveau des finances, et l’histoire initiale d’investir une petite somme s’était changée en conditions qui sous-entendaient pour eux, une participation plus importante et le détachement de leurs cadres. Les accepter signifiait renoncer au statut de premier actionnaire.

En d’autres termes, il s’agissait pratiquement si oui ou non, nous allions céder JustSystems que Hatsuko et moi avions fait accroître jusqu’alors. Nous étions contraints à prendre une décision.

Je le dis honnêtement, nous avions vraiment, longuement réfléchi. Il était évidemment impossible de ne pas être troublés. Mais nos options étaient limitées.

Nous avons décidé de faire une augmentation de capital par attribution à un tiers, de 4,5 milliards de yens, dont Keyence était le souscripteur. Ce qui avait constitué une contribution de 43,96% de la part de Keyence. Nous nous étions retirés, moi au poste de président d’honneur, et Hatsuko, à celui vice-présidente d’honneur qui n’avait pas de pouvoir de représentation.

Fut nommé pour succéder au poste de président, Tomoaki Fukura, qui avait rejoint JustSystems au temps de sa création, en tant que travailleur à mi-temps lorsqu’il étudiait à la Faculté d’odontologie de l’Université de Tokushima, et qui avait géré le développement d’Ichitaro. C’était l’une des conditions que moi et Hatsuko avions sousmises à Keyence.

Un épisode rempli d’amertume mais aussi avec le grand soulagement d’avoir pu confier ce logiciel que nous avions fait évoluer jusqu’alors, à une société japonaise et non une société outre-mer.

Je me souviens de ce jour, quand j’étais encore un salarié de 29 ans. Ce paysage que je voyais depuis la route nationale 2 à Himeji, dans la voiture, les mains sur le volant, après avoir déposé Hatsuko. Je croyais fermement : « Ce sont les petites et moyennes entreprises comme celles-ci qui soutiennent le Japon. » Et comparant ma vie au grand fleuve Yoshino, je m’étais motivé en me disant : « Aussi bien danseurs que la foule, on est tous les mêmes fous, alors dansons ensemble. » Et je m’étais lancé dans cette entreprise.

Tous ces jours lors de la création de l’entreprise, quand le temps défilait en vain sans pouvoir décrocher un seul contrat. Je n’oublierai jamais le moment de notre première commande, quand nous avions pleuré ensemble, moi et la grand-mère de Hatsuko qui pourtant s’était opposée jusqu’au bout à notre mariage. Puis Hatsuko et moi avions fait notre entrée dans l’industrie informatique avec Ichitaro, logiciel de traitement de texte doté d’une fonction révolutionnaire de conversion kana-kanji. Ce sont les jeunes employés qui nous avaient rejoints dans cette toute petite entreprise de Tokushima, qui nous avaient soutenus.

Et l’histoire s’arrêtait là. Hatsuko et moi sommes partis de JustSystems. J’avais alors 60 ans. Mais notre défi à nous deux, lui, ne s’arrêtait pas là.

 

Avec Tomoaki Fukura (tout au bout à droite) et les autres membres (2009, l’auteur en deuxième en partant de la gauche)